Le "Merchandising Vert": mythe ou réalité ? Dans cette passionnante interview, Jean Marc Petitjean, professionnel du merchandising, nous raconte l'histoire de Patagonia* et de la naissance du "Green Merchandising"
* Patagonia Inc en quelques chiffres et données: marque californienne de vêtements outdoor pour les sports extrêmes, 1200 employés aux Etats-Unis, Europe et Japon, plus de 30 ans d'existence, 267 millions de dollars de CA dont plus de 25 millions de dollars reversés depuis 1985 à des associations environnementales (onepercentfortheplanet).
EM: Vous avez été le Responsable merchandising de la société PATAGONIA France pendant 15 ans. Cette firme est très engagée au niveau de l'environnement (utilisation du recyclage des bouteilles en plastique - procédé inventé par la firme-, fabrication de coton biologique, réduction des emballages, utilisation de l'énergie éolienne, abandon des colorants contenant des metaux lourds, recours aux transports ferroviaires, utilisation de la lumière naturelle dans les locaux de l'entreprise...etc) et d'ailleurs, la firme s'est vue attribuer le prix Business Ethics 2006 pour l'environnement durable, pensez-vous que l'on puisse parler de Merchandising "Ecologique" ?
JMP: Je ne travaille plus pour Patagonia, donc je vais parler uniquement de la période 1987-2002. C'est pendant les années 90 que la transformation la plus importante a eu lieu au sein de Patagonia: la firme militante de terrain est devenue une firme militante pour ses idées.
Au coeur du savoir faire de Patagonia se trouve la découverte de la fibre polaire. Or cette fibre était produite à partir de plastique! (ndlr: les tissus polaires sont conçus à partir de fils entièrement synthétiques: produire de nouvelles fibres polyester à partir d'une source recyclée au lieu de les fabriquer à partir de matières vièrges permet des économies d'énergie et une réduction des émissions de gaz à effet de serre). Le premier virage écologique de Patagonia a été de fabriquer sa fibre polaire à partir de matières plastiques recyclées.
Le 2ème virage: le passage au coton biologique: Dans les années 90, Yvon Chouinard, PDG visionnaire très engagé sur l'environnement, s'interroge sur la trace écologique (ndlr la pollution) des produits qu'il fabrique et notamment les synthétiques. En fait, c'est le coton qui s'avère être la matière la plus polluante...c'est aussi la matière la plus utilisée dans le monde, ce qui provoque une prise de conscience. Or, le passage au coton biologique induit un surcoût de 50% des prix de revient des produits. Chouinard réunit alors les plus grands patrons des firmes les plus consommatrices de coton (du type Nike, Levi's) et tente de les convaincre de passer au coton bio pour faire ainsi baisser les prix.
C'est sur le coton biologique que Patagonia est vraiment devenue une entreprise militante écologique en s'engageant sur tout ce qu'elle faisait (ndlr: depuis 1996 le coton utilisé par Patagonia est 100% biologique)
La mobilisation des équipes a été générale et s'est faite naturellement. La répercussion s'est faite aussi au niveau du merchandising. C'est l'époque où Patagonia avait décidé d'ouvrir des "Proshops" (ndlr: partenariat avec un distributeur qui consiste à créer un petit espace entièrement dedié à la marque avec un suivi merchandising). Il y a eu de facto une remise à plat de tout ce que l'on faisait et donc du merchandising (quel mobilier utiliser, quelles répercussions selon les choix...etc). De là est né ce que l'on pourrait appeler, non pas du merchandising "vert" mais plutôt une conscience écologique.
EM: Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets de merchandising écologique chez Patagonia ?
JMP: La chose qui peut être surprenante - et qui est l'idéologie de Patagonia- c'est de dire que le recyclé, "l'écolo", ça ne doit pas se voir. Le but de ce que nous allions développer était d'être aussi beau que le non recyclé, d'obtenir une super qualité sans renier quoi que ce soit sur l'environnement.
Nous étions toujours très irrités de ne pas trouver du papier recyclé de qualité suffisante. Par exemple, dans les sociétés, le papier recyclé servait pour les brouillons, pour dépanner et on achetait des rames de papier normal, blanchi au chlore, pour faire les courriers et pour faire les notes. Notre position par contre était beaucoup plus radicale: tout le papier devait être recyclé. Si on faisait un catalogue recyclé, le but n'était pas que le client dise: "les photos sont ternes, le papier est un peu granuleux...c'est parce que le papier est recyclé." Notre cahier des charges était clairement d'obtenir la meilleure qualité possible. Les encres devaient être naturelles (à l'eau), pour autant, pas question d'avoir de l'encre sur les doigts quand on tourne la page!
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